Les ulcères gastriques équins (UGE), une affection fréquente chez les chevaux, affectent significativement le bien-être et les performances. Plus de 60% des chevaux de sport et 30% des chevaux de loisir en souffrent. Au-delà des symptômes classiques, des changements comportementaux subtils, souvent méconnus, révèlent la présence de cette pathologie.
Anatomie de l'estomac équin et prédisposition aux ulcères
L'estomac du cheval, contrairement à celui de l'homme, se divise en deux régions distinctes: la zone squameuse (non glandulaire), représentant environ les deux tiers de l'organe et dépourvue de protection muqueuse, et la zone glandulaire, productrice d'acide chlorhydrique. Cette structure anatomique unique, associée à un système digestif adapté à une alimentation riche en fibres, le rend vulnérable aux ulcères. Le manque de régurgitation, contrairement aux ruminants, expose la zone squameuse à une acidité constante. Un déséquilibre de la flore bactérienne (dysbiose) peut également exacerber la situation. La composition de la flore microbienne dans l’estomac du cheval, avec des variations spécifiques à chaque région de l’estomac, a un rôle majeur dans la protection contre les ulcères.
Mécanismes de formation des ulcères gastriques équins (UGE)
La formation des UGE résulte d'une interaction complexe de facteurs. Une production excessive d'acide gastrique, due à un stress chronique, une alimentation inappropriée ou des prédispositions génétiques, agresse la muqueuse. Simultanément, une diminution de la sécrétion de mucus protecteur, essentiel à la protection de la paroi gastrique, expose l’épithélium aux effets néfastes de l’acide chlorhydrique. L’inflammation qui en résulte favorise le développement d’ulcères. Le stress, principalement lié à un management intensif (transport fréquent, compétition, confinement), joue un rôle prépondérant, augmentant la production d’acide et diminuant la sécrétion de mucus. Une alimentation riche en concentrés et pauvre en fibres contribue à augmenter l’acidité gastrique. On estime qu'environ 80% des ulcères se situent dans la zone non-glandulaire, la plus sensible.
Symptômes cliniques des UGE chez le cheval
Les symptômes des UGE sont variables et parfois subtils, rendant le diagnostic difficile. Une perte de poids inexpliquée (plus de 5% en un mois), une baisse significative de la performance sportive (baisse de vitesse, refus de sauter…), et des coliques intermittentes figurent parmi les signes courants. Une mauvaise haleine (haleine acide), des changements d’appétit (anorexie, hypersélectivité alimentaire), et une hypersalivation peuvent également apparaître. Il est important de noter qu'environ 30% des chevaux atteints d'UGE ne présentent aucun symptôme apparent. L’apparition de sang dans les selles est rare, mais possible dans les cas d’ulcères sévères.
Diagnostic des ulcères gastriques équins
Le diagnostic des UGE repose principalement sur l’endoscopie gastrique, une technique permettant une visualisation directe des lésions ulcéreuses à l'aide d'une caméra flexible introduite par voie orale. L'endoscopie permet une évaluation précise de la localisation, de l'étendue et de la sévérité des lésions. L'analyse de sang peut fournir des informations complémentaires, mais n'est pas spécifique aux UGE. Des tests salivaires, moins invasifs, mesurent le niveau de pepsinogène, une enzyme produite par les cellules de l'estomac, et permettent une détection non-invasive, mais moins fiable (taux de faux négatifs pouvant atteindre 30%). Le coût d'une endoscopie est variable, autour de 300 à 500 euros.
Impact des UGE sur le comportement équin: signes subtils
Les UGE induisent des modifications subtiles du comportement souvent passées inaperçues. Ces changements peuvent être les premiers signes de la maladie, une attention particulière doit leur être portée.
Modifications du comportement alimentaire
- Anorexie: Diminution ou perte d'appétit.
- Hypersélectivité alimentaire: Sélection rigoureuse des aliments ingérés, refus de certains composants de la ration.
- Pica: Ingestion de matières non comestibles (terre, bois, etc.).
- Augmentation de la consommation d'eau: Tentative de neutraliser l'acidité gastrique.
Ces modifications sont souvent liées à la douleur gastrique ressentie lors de l’ingestion de nourriture.
Altération du comportement social
Les chevaux atteints d'UGE peuvent manifester une irritabilité accrue, une agressivité inhabituelle, un repli sur soi, et un isolement social. Ces changements sont liés à la douleur chronique et à l'inconfort général.
Modification du comportement au travail
Une baisse des performances sportives, un manque de motivation, une résistance au travail, et une difficulté à se concentrer sont fréquemment observés. Ces symptômes varient en fonction de la discipline équestre.
Troubles du sommeil
- Insomnie
- Agitation nocturne
- Bruxisme (grincement des dents)
Ces troubles sont directement liés à la douleur chronique et au stress engendrés par la maladie. Le bruxisme est un indicateur particulièrement fiable de la douleur ressentie.
Changements posturaux
Des modifications de la posture de repos, souvent associées à une raideur ou une rigidité dorsale, peuvent être observées. Le cheval adopte des positions spécifiques pour tenter de soulager sa douleur abdominale.
Impact des UGE sur le bien-être équin
Les UGE affectent profondément le bien-être du cheval. La douleur chronique, le manque de performance, les troubles du sommeil, et les changements comportementaux décrits précédemment génèrent un stress important, impactant négativement sa santé physique et mentale. Une prise en charge rapide est essentielle pour améliorer sa qualité de vie. Il est estimé que les UGE non traités peuvent entraîner une diminution de la performance sportive de 20 à 30%.
Diagnostic différentiel: importance d'une approche globale
Il est crucial de ne pas se fier uniquement aux changements comportementaux pour diagnostiquer les UGE. Ces modifications peuvent être le symptôme de diverses pathologies. Le diagnostic doit reposer sur une évaluation complète incluant l'examen clinique, l'endoscopie gastrique, et l'analyse de l'histoire du cheval (alimentation, mode de vie, entraînement). Une analyse de sang peut être utile pour éliminer d'autres problèmes de santé.
Gestion et traitement des ulcères gastriques chez le cheval
La prise en charge des UGE est multifactorielle, intégrant des traitements médicamenteux, une gestion nutritionnelle optimale, et une adaptation du management du cheval. L'objectif principal est de réduire l'acidité gastrique, de protéger la muqueuse, et de soulager la douleur.
Traitements médicamenteux
Plusieurs médicaments sont utilisés, notamment les antiacides pour neutraliser l'acidité gastrique, les protecteurs de la muqueuse (sucralfate, omeprazole) pour former une barrière protectrice, et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour réduire l'inflammation. Le choix du traitement et sa durée (quelques semaines à plusieurs mois) dépendent de la sévérité des lésions. Le suivi vétérinaire est essentiel pour surveiller l'efficacité du traitement et ajuster la posologie si nécessaire. Le coût du traitement peut varier de 100 à 500 euros par mois, selon la gravité de la situation.
Gestion nutritionnelle optimale
Une alimentation riche en fibres, distribuée en plusieurs petits repas (au moins 4 par jour), maintient un pH gastrique plus neutre et stimule la production de salive, facteur protecteur de la muqueuse gastrique. Il est primordial de limiter les concentrés, les aliments riches en amidon, et les aliments secs. L'ajout de compléments alimentaires à base de produits naturels (probiotiques, prébiotiques, huiles végétales) peut contribuer à améliorer la santé du tube digestif. Une augmentation de la quantité de foin de bonne qualité, au minimum 1.5kg par 100 kg de poids vif, est recommandée. Il faut également limiter au maximum le stress alimentaire, en évitant les changements brutaux de ration.
Adaptation du management équin
Une réduction du stress environnemental est indispensable. L'aménagement des boxes (espace suffisant, litière confortable, accès à l'eau et au foin en permanence), des interactions sociales positives, et un entraînement adapté à l'état du cheval contribuent à un environnement plus serein. Limiter les déplacements importants et les transports fréquents est également conseillé. Un programme d'entraînement modéré et adapté à la condition physique du cheval permet de maintenir sa forme sans aggraver ses ulcères. Il est important d’adapter le travail en fonction des réactions du cheval et de lui ménager des périodes de repos suffisantes. Le surmenage est un facteur aggravant des ulcères.
Approches complémentaires
Des approches complémentaires comme l'ostéopathie et l'acupuncture peuvent être utilisées pour soulager la douleur et améliorer le bien-être du cheval. Ces méthodes doivent être considérées comme des traitements complémentaires, et non comme des traitements de remplacement de la médecine vétérinaire classique.
La prévention des UGE passe par une gestion optimale du stress, une alimentation adaptée, et un entraînement raisonné. Une surveillance régulière du comportement du cheval et une consultation vétérinaire précoce en cas de doute permettent d'identifier rapidement la maladie et de mettre en place un traitement efficace.